Mais cette attitude
décontractée se raidit un peu quand je réfléchis à l'enjeu de l'aéroport
proposé à Notre-Dame des Landes, près de Nantes. A récapituler : il y a déjà un
aéroport, récemment primé, à 8 km au sud-ouest de la ville (et à 500 m du
terminus du tramway). Actuellement servant 3 millions de voyageurs par an, il
est loin de sa capacité maximale, estimée à 7 millions de voyageurs par an.
Airbus, qui a une usine de fabrication à côté de l'aéroport existant (qui emploie
2000 salariés), utilise la piste d'atterrissage existante pour livraisons et déclare qu'il n'a aucun désir de déménager.
L'étude prétendue "d'utilité
publique", nécessaire pour le rachat des terres et propriétés est invalide.
Le tram-train destiné à l'aéroport de Nantes était pris comme bénéfice du
projet, tandis que son coût était omis, selon l'étude indépendante du cabinet CE Delft en 2011.
Le FMI a estimé que le prix du pétrole va doubler dans les prochains dix ans. Le prix du kérosène
représente 34 % du prix d'un billet d'avion. Les déplacements aériens Low Cost
appartiendront bientôt au passé. Certaines industries aériennes, qui tablent
sur une augmentation du trafic, sont dans le mensonge...
Les voyages aériens, et
particulièrement les courts courriers émettent vingt-neuf fois plus de dioxyde de carbone par kilomètre que l'équivalent ferroviaire. Le trajet Nantes-London,
en TGV, prend moins de 5 heures. Pour les longs courriers, le TGV direct de
Nantes vers Charles De Gaulle est déjà à votre disposition.
L'accord avec la société
multinationale dote Vinci de 250 millions d'euro de subvention publique, et
puis donne le droit exclusif à opérer l'aéroport pour 55 ans : le partenariat
privé-public le plus veule imaginable.
Alors que les grands
médias ici voulaient présenter les opposants à l'aéroport comme anarchistes violents et écolos naïfs, l'opposition se base en réalité sur des réflexions
raisonnables qui prennent en compte toutes les facettes de l'enjeu.
Bref : nous ne voulons pas acheter un éléphant blanc,
alors qu'un coin de France plutôt vert et agréable est complètement détruit.
Les arguments environnementaux
contre l'aéroport sont déjà bien étayés. En particulier, on doit noter que les
zones humides de Notre-Dame des Landes approvisionnent la nappe phréatique dont
tous les Nantais dépendent pour boire et se baigner. Que l'étude de cet enjeu
essentiel soit truqué pour donner la réponse correct (pour les gouvernants
actuels) est complètement méprisable.
On voit régulièrement un gouvernement
local proposant des mesures qui heurtent le bon sens ; c'est évidemment le cas
pour ce projet monstrueux. Il est nécessaire d'examiner derrière les positions
publiques de tout acteur, et de faire l'analyse des raisons véritables de leurs
actes.
Le gouvernement local est
tout concerné par la maximisation de la valeur de l'immobilier. Le vent
dominant à Nantes souffle de l'ouest, donc les vols qui atterrissent à
l'aéroport actuel à Bougenais passent normalement au-dessus du centre-sud de
Nantes. Les niveaux de bruit sous ces trajectoires de vol sont tels que le développement dans ces zones est inhibé. Comme tout enfant éduqué devant la télé par
Scooby-Doo le sait, les promoteurs immobiliers sont la source de n'importe quel
phénomène surnaturel. C'est probablement le cas ici aussi. Sans doute, les
enveloppes bien garnies ont déjà transitées à l'occasion du changement d'aménagement
du territoire, aussi bien au sud de Nantes qu'à Notre-Dame des Landes. Si
j'étais un opposant à l'aéroport, je ferais une petite enquête "cui bono ?"
avec les transactions cadastrales et les fortunes de familles des acteurs
impliqués.
J'avais aussi entendu parler
de théories variées sur la taille colossale de l'aéroport proposé, qu'il est
conçu en secret comme un parking gigantesque pour avions dans le cas d'une crise
globale. Cela paraît plutôt loin de la réalité : il y a beaucoup de lieux plus
sec et plus chaud que Nantes en hiver pour stocker les technologies
rouillantes. Ni d'accord pour l'idée qu'il y a besoin militaire essentiel de
construire Bagram 2 aux nord de la Loire pour dominer le nord-ouest de la
France. Les avions s'en foutent, des rivières !
Pour la pertinence de
l'argument de "sécurité" de la ville—que les vols qui passent
au-dessus de la ville de Nantes présentent un risque pour le public—un argument
incroyablement utilisé par les promoteurs de l'aéroport ici comme un élément sérieux
de leur propaganda ; bon, c'est ridicule. L'industrie aérienne est justement fière
de son bilan de sécurité : sécurité nécessaire, parce que personne n'achèterait
de billets si les désastres aériens étaient fréquents. En tant qu'ancien
habitant de Londres, au-dessus de laquelle un avion destiné à Heathrow passe
toutes les 60 secondes, de 6 h à 23 h, tous les jours de la semaine, je trouve
ça pitoyable. S'il est vrai que les contrôleurs aérien sont commandés à diriger les vols sur le centre ville afin de renforcer l'argument pour le nouvel
aéroport, je ne sais pas. Si tel est le cas, c'est au-delà de toute raison.
Bien sûr, les pilotes ne sont pas d'accord que l'aéroport actuel est dangereux.
Les arguments pour la
création des emplois sont aussi faux : les emplois qui existent dans la région
sont déjà existants. Leur transfert à travers la ville n'augmentera pas leur
nombre : ça nécessiterait une augmentation du trafic aérien, et comme nous
avons déjà compris, la croissance du passé ne peut pas continuer. Emplois même
peut-être perdus si Airbus décide de couper ses pertes et consolider ses opérations
ailleurs, à Toulouse ou St. Nazaire. Si l'on veut dépenser une subvention
publique d'un demi-milliard d'euros dans les industries de construction, mettons-la
sur l'amélioration de l'efficacité énergétique des foyers et entreprises, vecteur
de beaucoup plus d'emplois, pour le bénéfice de tous dans l'avenir.
Il est vrai que l'agriculture
laitière représente le marasme de la politique agricole, le nadir de
l'imagination de la production de nourriture. Néanmoins, c'est une tradition
immémoriale dans ce coin, et je suis le dernier à demander une réduction dans
ma part de fromage français. Mais une surabondance laitière appelle à un soutien
aux producteurs imaginatifs, plutôt qu'à l'épandage de 2000 hectares de nouveau
béton. Les occupants de Notre-Dame des Landes ont déjà montré la voie sur cet
enjeu avec un minimum d'investissement. Imaginez le paysage beau et diversifié
possible avec la moindre miette de l'argent actuellement versé à Vinci.
J'ai quelque compassion
pour les pauvres policiers chargés du sale boulot de l'éviction des occupants, bras
armés des intérêts corporates corrompus déjà soulignés. Ils doivent examiner
leur conscience. Les servants honorables de la loi et de l'ordre dans la
république doivent sûrement être persuadés que la justice a été faite d'une
manière rationnelle et impartiale, dans l'intérêt du peuple : comment
pourraient-ils jouer leur rôle, après le moindre examen des enjeux, je ne sais
pas. Un appel à leurs collègues anti-corruption ne serait-il pas utile ?
Notes:
Cet article a été
initialement publié en anglais à 16 h 45, le 15 novembre 2012
Révisions mineures et
liens additionnels ajoutés 6 h 45 le 16 novembre 2012.
Traduction vers le
français 21 h 15 le 16 novembre 2012.
Je rémercie beaucoup Olivier Tempéreau pour sa relecture de cette traduction. Néanmoins toute faut reste la mienne.
Je rémercie beaucoup Olivier Tempéreau pour sa relecture de cette traduction. Néanmoins toute faut reste la mienne.
V.O. en anglais ici: http://juliusbeezer.blogspot.fr/2012/11/hawk-handsaw-who-knows.html
Sa titre référence le vers immortel de Hamlet : "I am but mad north-north-west: when the wind is southerly I know a hawk from a handsaw." (II,ii)
Sa titre référence le vers immortel de Hamlet : "I am but mad north-north-west: when the wind is southerly I know a hawk from a handsaw." (II,ii)
Droits d'auteur : CC0 : à
copier gratuit et libre. Crédits et liens toujours appréciés, aussi nouvelles par
rapport à des traductions.
Motivation : kudos à
France24. Le soi-disant système de commentaires sur leur site m'a beaucoup motivé.
Leur refus de publier le commentaire qui suit était le coup au cul nécessaire pour
rédiger et traduire cet article.
Mon commentaire pour eux est écrit : "In your
haste to paint the opponents of the proposed airport as violent anarchists, you
omit a critique of the arguments for its claimed necessity: 0) Nantes already
has a prize-winning airport. It is nowhere near its maximum capacity, estimated
to be 7 million passengers/year. Airbus has a plant next to the existing
airport that employs 2000 people, relies on its runway for deliveries, and has
stated it does NOT want the move! 1) The alleged "public utility" study
for the compulsory purchase of the land was flawed. The rail link to the
proposed airport to Nantes was counted as a benefit of the scheme, but its cost
was not counted, as revealed by an independent 2011 study. 2) The IMF
calculates that the price of kerosene will double in the next 10 years. 34% of
the cost of an air ticket is the fuel costs. Low cost air travel is about to
become a thing of the past. Wild air industry claims for traffic growth are
simple lies. 3) Air travel, and especially short-haul air travel generates
thirty times more carbon emissions/kilometre than rail. Nantes-London is
already possible in less than five hours by TGV. You can get a TGV direct to
Charles De Gaulle airport from Nantes if you must fly long-haul. 4) The deal
with the multinational corporation Vinci hands them a €250m. public
subsidy——then gives them exclusive operating rights for 55 years: a
public-private partnership of the most craven kind. Saying NON! is a no-brainer
for prudent taxpayers and tree-huggers alike!"
To the extent possible under law,
Douglas Carnall
has waived all copyright and related or neighboring rights to
Sur la distinction fine du faucon et faucille (single blog post).
This work is published from:
France.